Mails professionnels : la partie immergée de l’iceberg
Dans son dernier rapport publié en novembre 2023, la très sérieuse société Radicati Group Inc, reconnue dans l’analyse des technologies de l’information et de la communication, estimait que près de 362 milliards de courriels sont envoyés quotidiennement dans le monde. Oui, chaque jour !
Parmi eux, des dizaines de milliards de mails professionnels atterrissent dans les boîtes de dirigeants d’entreprise et de salariés qui utilisent cet incontournable moyen d’échanger entre eux, avec leurs clients ou encore leurs fournisseurs.
Afin de mieux comprendre comment les patrons et les employés appréhendent les multiples messages électroniques dont ils sont destinataires et pourvoyeurs durant leurs heures de travail, Hostinger a mandaté l’organisme spécialisé dans les statistiques FLASHS pour interroger 2 000 d’entre eux évoluant dans le secteur tertiaire.
Combien de mails reçoivent-ils en moyenne et ont-ils le temps de les traiter ? Sont-ils angoissés lorsqu’ils se connectent à leur messagerie au retour de congés ? Lisent-ils ou écrivent-ils des messages professionnels durant leurs jours de repos ? Sont-ils adeptes de l’utilisation de smileys et autres émoticônes ? Font-ils appel à l’intelligence artificielle pour les rédiger ? Ont-ils déjà été destinataires de courriels au caractère inapproprié ?
Particulièrement exhaustive, cette enquête propose une radiographie pointue de l’usage des mails en milieu professionnel. Un usage qui diffère souvent selon les générations, le genre ou encore la position hiérarchique des personnes interrogées.
Sommaire
Les messageries professionnelles passées à la loupe
Moins d’un cinquième des salariés (18%) du secteur tertiaire reçoivent plus de 50 messages électroniques chaque jour, soit près de deux fois moins que les dirigeants d’entreprise qui sont quelque 34% à se dire dans ce cas.
La différence est également flagrante chez ceux dont l’activité de la boîte professionnelle est faible : 41% des salariés indiquent revoir moins de 20 courriels par jour contre seulement 13% des dirigeants. Quant aux boîtes qui croulent sous plus de 100 courriels quotidiens, elles concernent 3% des employés et 7% des patrons.
Ces différences se traduisent logiquement par un temps plus grand passé par les responsables d’entreprise au traitement de leurs messages. Plus de la moitié d’entre eux (52%) déclarent y consacrer plus d’une heure par jour, ce qui n’est le cas que de 37% des salariés. De même, à peine un dirigeant sur dix (8%) passe moins de 30 minutes à la gestion de ses mails contre 29% des employés interrogés dans cette enquête.
Au vu de ces chiffres, il n’est donc guère étonnant que les dirigeants soient moins nombreux à dire qu’ils gèrent leurs courriels sans problème (34%) que les salariés (47%). Cependant, la proportion de ceux qui s’avouent souvent débordés par le nombre de messages à traiter est quasi identique, aux alentours de 10%, chez les uns et les autres.
Par ailleurs, les employés âgés de 35 à 49 ans sont les plus nombreux à se dire débordés (13%) tandis que leurs aînés de 50 à 64 ans disent majoritairement (55%) qu’ils traitent leurs messages électroniques sans problème.
Des raisons de s’irriter
Appelés à indiquer ce qui les agace le plus dans la gestion de leurs mails professionnels, les employés sont 17% à mentionner le volume important de courriels reçus. Vient ensuite l’obligation de répondre rapidement (16%), suivie par les spams et le phishing (14%) et les notifications (13%).
En revanche, les mails de démarchage et le fait de recevoir un courriel en dehors des heures de travail ne sont jugés dérangeants que par 5% des personnes interrogées. Un classement que l’on retrouve dans des proportions très similaires parmi les dirigeants d’entreprise, qui sont toutefois plus nombreux à regretter la quantité de messages qui atterrissent dans leur boîte (20%).
Selon l’âge des répondants, les causes d’irritation varient : les 18-24 ans placent en tête les spams et le phishing (19%), les 25-34 ans citent en priorité les notifications (19%), les 35-49 mettent en exergue le volume important des courriels reçus (17%) et les plus de 50 ans évoquent les mails qui ne les concernent pas directement (17%).
Stress post congés
Même lorsque l’on ne travaille pas, la messagerie professionnelle continue d’être inexorablement alimentée de mails qu’il faudra traiter en nombre. Plus de 6 salariés sur 10 (62%) admettent ainsi ressentir du stress à des degrés divers au retour des vacances. Pour 15% d’entre eux, cette opération s’avère même particulièrement anxiogène.
Les plus jeunes se montrent pour leur part les plus angoissés au moment d’ouvrir leur boîte professionnelle : 76% des 18-24 ans indiquent que cela les stresse beaucoup ou un peu, un phénomène qui ne touche qu’un peu plus de la moitié des salariés de plus de 50 ans (52%).
Quant aux dirigeants, ils sont globalement plus affectés que les employés face à ce retour à la réalité, les trois quarts (75%) faisant état d’un sentiment de stress lié à la consultation de leurs courriels à l’issue de leurs congés.
Pas de repos pour les mails pros
Entré en vigueur en France le 1ᵉʳ janvier 2017 et inscrit dans le Code du travail, le droit à la déconnexion permet aux salariés de ne pas être connectés à leurs outils numériques professionnels en dehors de leurs heures de travail. Pour autant, une majorité de salariés et de dirigeants prennent connaissance de leurs courriels alors qu’ils sont censés être en repos. Ainsi, 67% les consultent le soir, le week-end ou en vacances, dont plus du tiers (37%) le fait toujours ou régulièrement.
Jeter un œil à sa messagerie est également bien plus courant chez les jeunes employés (81% des 18-24 ans sont dans ce cas) que chez les seniors (56% des plus de 50 ans). Et si plus des deux tiers des salariés ne déconnectent pas du tout ou pas vraiment, le pourcentage est bien plus élevé chez les patrons, qui sont près de 9 sur 10 (87%) à ouvrir leur messagerie en période de farniente.
Connectés pour lire… et pour écrire
Si les salariés et les responsables d’entreprises sont nombreux à se connecter à leur messagerie professionnelle lorsqu’ils sont en congés, c’est aussi pour rédiger et envoyer des mails : un tiers des répondants (34%) adressent directement leurs courriels sans attendre la reprise des horaires de bureau, tandis que 17% les rédigent puis programment leur envoi pour un jour ouvré.
Les jeunes salariés, qui sont, pour la plupart, reliés en permanence aux réseaux sociaux et autres outils numériques, sont significativement plus enclins à communiquer professionnellement lorsqu’ils ne travaillent pas : 73% des 18-24 ans envoient des mails en dehors des horaires conventionnels contre seulement 39% des seniors de plus de 50 ans.
Les dirigeants d’entreprises sont également nombreux à envoyer des messages électroniques à tout moment, puisque les trois quarts d’entre eux (76%) sont dans ce cas, plus de 4 sur 10 (44%) les faisant partir immédiatement.
Quand le courriel fait fausse route
Dans le cadre professionnel, les erreurs de destinataire ne sont pas rares – 46% des salariés ont déjà commis cette maladresse – et peuvent s’avérer fort gênantes. Si cet aiguillage raté s’est avéré sans conséquences notables pour 30% d’entre eux, il a entraîné pour 16% une situation qu’ils décrivent comme très embarrassante. Et quand bien même pareille mésaventure ne leur est pas arrivée, un quart des personnes interrogées (26%) vivent avec la crainte que cela puisse survenir.
Les jeunes générations semblent plus exposées aux erreurs génératrices de soucis ultérieurs : 37% des 18-24 ans et 22% des 25-34 ans ont connu des incidents de ce type, contre seulement 8% des salariés de 50-64 ans. On note également une différence importante selon le genre, les hommes étant plus nombreux à avoir envoyé un mail au mauvais destinataire (52%) que les femmes (40%).
Formule de politesse : agacement et indifférence se neutralisent
Qu’ils soient adressés à la bonne personne ou non, certains courriels se terminent par une formule de politesse quand d’autres s’achèvent sèchement. Lorsqu’ils reçoivent un mail sans civilités en conclusion, les salariés se divisent en deux groupes égaux. 50% trouvent cela impoli et en sont agacés, tandis que 50% font montre d’indifférence.
Cette perception varie légèrement selon l’âge : les 18-24 ans sont 54% à se sentir irrités par l’absence de phrase de politesse, un sentiment qui diminue progressivement avec l’âge, pour atteindre 48% chez les 50-64 ans. Par ailleurs, les femmes sont plus nombreuses à être agacées par ce qu’elles considèrent comme une impolitesse que les hommes (55% contre 46%).
« Cordialement » mis au ban
Conclure son message par une formule de politesse ne signifie pas que celle-ci sera du goût de son destinataire. Parmi les civilités utilisées dans le cadre professionnel, “Cordialement” arrive en tête de celles qui agacent le plus. Citée par 21% des salariés interrogés, elle est en pole position dans toutes les tranches d’âge. “Au plaisir de vous lire” et “Salutations distinguées” irritent pour leur part respectivement 14% et 13% des répondants.
Des expressions comme “Bien à vous” et “Belle journée” suscitent moins de mécontentement en déplaisant à 11% et 10% des salariés. Il est à noter qu’une part non négligeable (21%) des participants n’est gênée par aucune des formules proposées.
Les hommes plus adeptes des émoticônes
Autre sujet qui divise les salariés, l’utilisation de smileys et autres émoticônes dans les courriels professionnels. Là encore, les pratiques sont très partagées. 53% ne les utilisent jamais, tandis que 42% en font usage selon les interlocuteurs. Seuls 5% des salariés en incluent systématiquement dans leurs communications.
L’âge joue un rôle important dans cette façon de faire : 61% des 50-64 ans n’utilisent jamais d’émoticônes dans leurs mails, contre 53% des 18-24 ans. À l’inverse, 10% des 25-34 ans les utilisent systématiquement. En termes de genre, les hommes (51%) sont plus familiers que les femmes avec l’ajout de smileys dans leurs échanges professionnels que les femmes (43%).
Les smileys ne font pas sourire tout le monde
Si 31% des salariés interrogés trouvent l’usage des smileys et des émoticônes convivial, plus du tiers (36%) le jugent inapproprié. Par ailleurs, 15% le considèrent utile pour éviter les malentendus, tandis que 12% estiment que cela n’a pas d’importance.
Le ressenti vis-à-vis des émoticônes varie lui aussi selon l’âge : 44% des 50-64 ans voient cette pratique comme inappropriée, contre 31% des 18-24 ans, bien plus habitués à en faire usage dans leurs échanges quotidiens. Les plus âgés sont aussi les moins nombreux à percevoir une utilité dans les émoticônes, avec seulement 7% d’entre eux les considérant comme un moyen d’éviter les malentendus, soit deux fois moins que les autres tranches d’âge.
En termes de genre, les femmes paraissent plus réticentes : 40% d’entre elles trouvent les smileys inappropriés dans le cadre professionnel, contre 32% des hommes.
L’IA, support d’écriture des plus jeunes
L’émergence récente, mais fulgurante, d’outils comme ChatGPT a ouvert de nouveaux horizons dans le domaine des assistants pilotés par l’intelligence artificielle, notamment en termes d’aide à l’écriture. Loin d’être marginale, l’utilisation de tels outils pour la rédaction des mails professionnels concerne aujourd’hui près de 4 salariés sur 10 (39%) qui y ont recours de manière ponctuelle ou régulière.
Les jeunes de 18-24 ans sont les plus séduits par l’intégration de ces outils dans leur communication : 66% d’entre eux y font appel, dont 28% de façon régulière ou systématique. À l’inverse, seuls 22% des 50-64 ans utilisent l’IA dans ce cadre, signe d’une appropriation moins rapide de l’usage de l’intelligence artificielle. En outre, les résultats montrent que les hommes sont plus nombreux (44%) à utiliser l’IA pour leurs mails que les femmes (33%).
Celles et ceux qui s’appuient sur l’intelligence artificielle le font notamment pour éviter les fautes et améliorer le style de leurs écrits. Ils sont 47% dans ce cas. Plus du tiers des utilisateurs de l’IA (35%) lui font traduire leurs mails lorsque de besoin, tandis que 25% automatisent des réponses simples et/ou répétitives et 21% l’utilisent pour y voir plus clair dans la structuration de leur message. Plutôt rassurant, ils sont seulement 4% à dire qu’ils confient à l’IA la rédaction intégrale de leurs courriels.
Mails inappropriés : 3 femmes sur 10 concernées
S’il est peu probable que l’intelligence artificielle rédige de son propre fait des courriels inappropriés qui s’éloignent fortement de ce que doivent être des relations professionnelles, les humains ne s’en privent pas.
Les femmes sont particulièrement visées puisque 3 sur 10 parmi celles qui ont été interrogées en font état. En effet, 20% des employées et 40% des dirigeantes déclarent avoir déjà reçu des mails en lien avec des contenus de séduction ou d’intimité qu’elles considèrent comme inappropriés.
Les plus jeunes sont davantage concernés par ce phénomène : 45% des 18-24 ans et 41% des 25-34 ans rapportent avoir été destinatrices de tels messages, soit presque deux fois plus que les 35-49 ans (23%) et que les 50-64 ans (24%).
Les jeunes femmes sont les plus ciblées
Les femmes qui y ont été exposées citent en premier lieu les demandes d’informations personnelles ou intimes (39%) et les propositions de rendez-vous en dehors du cadre professionnel (38%, et jusqu’à 50% parmi les 18-24 ans !).
Les compliments ou flatteries appuyés représentent 29% des cas, tandis que 19% des messages renferment du contenu sexuellement explicite. Enfin, 13% des salariées rapportent avoir reçu des commentaires ciblant leur physique ou leur caractère.
Genre et remise en cause
La remise en cause des compétences en raison du genre dans les échanges par mail touche, elle aussi, une part importante de salariées et de dirigeantes : 46% (dont 22% souvent ou la plupart du temps) y ont déjà été confrontées, avec un écart notable entre les employées (38%) et les responsables d’entreprises (53%).
Étude réalisée par FLASHS pour Hostinger.fr du 23 au 29 août 2024 auprès d’un double panel Selvitys de 1 000 salariés et 1 000 dirigeants d’entreprise de plus 18 ans, du secteur tertiaire, représentatif de la population des salariés et dirigeants français.
______________
1971 : le tout premier mail Fin octobre 1971 – lui-même ne se rappelait pas la date exacte -, l’ingénieur américain Ray Tomlinson envoyait le tout premier message électronique entre deux ordinateurs distants de 90 mètres, message dans l’adresse duquel il séparait le nom de l’utilisateur de celui de la machine par l’iconique symbole @. Un quart de siècle après ce jour d’automne dans le Massachusetts, l’explosion de l’Internet grand public au milieu des années 90 allait également être celle des messages électroniques personnels et professionnels qui s’échangent aujourd’hui par centaines de milliards chaque jour. Décédé en 2016, Ray Tomlinson figure en 4e position des 150 principaux innovateurs issus du célèbre MIT (Massachusetts Institute of Technology) qui dresse la liste de toutes les personnes ayant apporté une contribution significative au développement d’Internet. |